Les acteurs adéquats pour une stratégie ciblée et de long terme (partie 2)

Suite de  » Produire en France…mais comment ? »

Dans un monde globalisé, les Pouvoirs publics ont encore un rôle à jouer. Il ne s’agit pas de prétendre diriger ou maîtriser l’économie, cela serait utopique et contreproductif, mais il s’agit d’en être un moteur et un facilitateur.

Cependant, ce rôle ne doit pas forcément être tenu par l’Etat centralisateur dont on mesure trop souvent les limites en France. C’est plutôt aux collectivités locales d’être les partenaires des acteurs économiques.

L’un des intérêts de concentrer les efforts sur les PME/PMI (petite et moyenne entreprise et industrie) est d’assurer le tissu économique dans nos différents territoires, oeuvrant ainsi à une forme de décentralisation économique, là où les multinationales poussent à la centralisation vers les grands centres d’affaires et de pouvoir.

Il faut donc pour les PME/PMI des interlocuteurs publics également décentralisés afin de coller à leurs problématiques locales.

Les Conseils Régionaux sont, sans doute, les structures les plus adaptées pour participer à ce combat de la reconquête productive de notre pays.

Longtemps l’Etat a eu un rôle important dans la capacité de production de la France et dans sa puissance industrielle. Cela se manifestait en particulier par le Commissariat au Plan, dont la grande qualité était de donner une vision à long terme et de coordonner les efforts de la nation.

Cela s’est perdu au fil des années et au rythme d’une Société toujours plus enfermée dans l’immédiateté et l’éphémère.

Les Conseils Régionaux devraient se doter de Commissariats au Plan locaux. Ces services devront se constituer autour de compétences humaines adaptées aux besoins des PME/PMI. Compétences qui n’existent pas aujourd’hui au sein des collectivités.

Il faut, en particulier, chercher ces compétences dans le secteur privé et recruter un personnel qui a l’expérience de terrain de la PME/PMI et des secteurs économiques locaux.

Ainsi, de tels pools de compétences doivent réunir : des fonctionnaires territoriaux chevronnés, des cadres expérimentés issus du privé (bien souvent touchés par le chômage lorsqu’ils ont passé 50 ans), des juristes, des spécialistes en micro-économie, des banquiers et des financiers…

Une fois ces équipes de choc constituées dans chaque Conseil Régional, leurs principales missions seraient :

  • L’élaboration, en concertation avec les acteurs économiques locaux, d’une stratégie industrielle et productive (dans la mesure où la production ne concerne pas uniquement le secteur industriel) ;  une stratégie sur-mesure et  sur le long terme pour la Région elle-même. Cela implique d’identifier les secteurs porteurs d’avenir (en fonction des atouts géographiques, du savoir-faire, des infrastructures…). Les secteurs de pointe tels que le high-tech et les industries vertes sont donc à retenir, mais également des productions plus courantes et basiques. En effet, une production régionale est possible même dans ces domaines quand elle s’appuie sur la proximité et la réactivité (ce que le grand import ne pourra jamais concurrencer) ou lorsqu’elle concerne la finition des produits (le 100% produit en France n’est pas une fin en soi, cela peut ne concerner qu’une partie du processus de production d’un produit).
  • Œuvrer à la mise en place de « Cluster », ou pôle de compétitivité, autour des PME/PMI locales. Ce concept est à prendre dans sa définition la plus large, qui implique une collaboration verticale de tous les acteurs du secteur économique concerné. Il ne faut pas que ce soit une forme d’élitisme économique qui ne concerne qu’une partie infime du tissu économique local mais au contraire les secteurs clés et d’avenir identifiés en amont. Le Conseil Régional doit être le ciment entre un grand nombre d’acteurs pouvant concentrer leurs efforts et leurs compétences au service d’un projet de production locale. Ainsi, pourront se constituer des pools regroupant industriels, sous-traitants, universités et écoles (offrant des moyens structurels et humains d’externalisation de la recherche et de l’innovation), banquiers et financiers, communicants (privés et publics) et distributeurs (sur les marchés nationaux comme internationaux). Avec ce type de collaboration de grands projets de production peuvent voir le jour de façon pérenne et compétitive,  malgré l’hyper-concurrence mondiale.
  • Faciliter et impulser la création d’entreprises innovantes et productives. Le Conseil Régional peut, là aussi, jouer un rôle privilégié. Cela passe par des actions plus où moins complexes, comme la mise en place d’un guichet unique (avec la collaboration d’autres acteurs comme les CCI, Pôle emploi, Conseils Généraux…) pour les formalités de création d’entreprise mais également pour les demandes de subventions. Celles-ci doivent être soumises à une étude préalable en fonction des secteurs clés identifiés en amont, et répondre à des obligations de résultat. Il faut, dans ce domaine, lutter contre le saupoudrage, sans doute utile électoralement mais stérile économiquement. Enfin, le Conseil Régional (ou indirectement un fond d’investissement créé à cet effet) pourrait avoir un rôle, plus impliquant encore, en investissant  sous forme de capital risque. Cette action doit, évidemment, rester exceptionnelle mais répondrait à une carence culturelle en France de ce type d’activité dans le secteur privé. Elle peut se justifier, par exemple, pour un projet d’avenir en matière de production et d’emplois locaux.  Le Conseil Régional prendrait ainsi une participation très minoritaire dans le capital d’entreprises en création et leurs offrirait des pépinières d’entreprises, un suivi durant les premières années (gestion, comptabilité, moyens de communications…) et un accès à de multiples réseaux professionnels. Le retour sur investissement se ferait grâce à la revente des parts sociales une fois l’activité pérennisée et mature (avec des plus-values parfois importantes comme les exemples de Google aux Etats-Unis ou Skype en Europe, véritable jackpot pour les capitaux risqueurs d’origine).

Le Conseil Régional, collectivité de proximité économique peut donc devenir un chef d’orchestre du tissu productif local. Ne produisant aucun son directement mais capable d’assurer une mélodie et d’éviter la cacophonie productive de son territoire…

 

A suivre dans de prochains articles :

– Gouvernance et solidité des entreprises de production

– Débouchés commerciaux, parts de marchés et marge de vente

– Œuvrer à une saine concurrence

 

Adrien Debever

2 réflexions au sujet de « Les acteurs adéquats pour une stratégie ciblée et de long terme (partie 2) »

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