Le Moyen-Orient est en feu…la diplomatie française est grillée !

Depuis plusieurs semaines, le Moyen-Orient est en feu, cette région du monde vit des heures historiques avec un soulèvement des peuples arabes sans précédent.

Les régimes corrompus et sclérosés de nombreux pays arabes sont ainsi en train de tomber avec violence sous la pression populaire. C’est un souffle de liberté qui les porte mais surtout le poids de problèmes sociaux considérables sans espoir d’amélioration à court terme et générateurs d’inégalités toujours plus grandes et principalement au détriment d’une jeunesse numériquement majoritaire.

Comme dans toutes les révolutions, l’enthousiasme et l’espoir retrouvé sont vite entachés par la violence des affrontements, comme actuellement en Libye, et par les incertitudes de l’avenir et les risques de chaos pour ces pays.

Un facteur aggravant s’ajoute à ces risques : la situation hors norme de cette région du monde. Le Moyen-Orient est depuis toujours un lieu à part dans l’histoire de l’humanité et c’est, bien sûr, encore le cas aujourd’hui : cible des ambitions califales d’Al Qaida, principale source mondiale d’énergie fossile et creuset des trois grandes religions monothéistes.

Devant de tels événements et de tels enjeux où en sont la France et sa diplomatie ?

Elle est grillée, cuite, carbonisée !

Pourtant la diplomatie française fut longtemps une référence au Moyen-Orient, respectée par sa singularité et son efficacité, alors comment en est-on arrivé là ?

C’est le résultat de 4 années de politique étrangère menée par Nicolas Sarkozy. Des choix et des positions marqués par une vision à court terme du Moyen-Orient, principalement motivée par la conclusion de contrats commerciaux au bénéfice des multinationales (dirigées souvent par « les amis » du Président) et au détriment d’une réelle stratégie géopolitique pour le long terme.

La diplomatie sarkozienne souffre aussi probablement de carences dans la connaissance d’un monde arabe complexe et qui ne s’accommode pas de solutions simples et rapides.

Dimanche soir, nous avons donc assisté au dernier épisode de ce fiasco diplomatique qui a commencé dès 2007 et dont les principales étapes ont été les suivantes :

  • Un ministère des affaires étrangères mis complètement sous tutelle par l’Elysée (et en particulier Claude Guéant, le Secrétaire Général) au point de transformer Bernard Kouchner en marionnette, ternissant à jamais son image.
  • La réception en France, avec tous les honneurs de la République, du dictateur libyen Mouammar Kadhafi, pourtant au banc de la Société internationale. Episode surréaliste où l’on a assisté à l’arrivée de ce dictateur–terroriste le jour de la célébration des droits de l’homme, qui, pour pouvoir planter sa tente sur la pelouse de l’hôtel Marigny nous fait rouvrir les chasses présidentielles, et finit par nous donner des leçons de droits de l’Homme pour notre gestion de l’immigration ! Cet épisode  va d’ailleurs entraîner la sortie incontrôlée de Rama Yade : «Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort», avant que celle-ci ne rentre dans le rang sous la pression de personnalités comme Patrick Ollier (Président du groupe parlementaire France-Libye, compagnon de MAM et actuellement ministre). La justification de cette humiliation nationale : la signature de contrats commerciaux ou plus exactement de promesses de contrats (pour Dassault, Areva, Airbus…) avec, à la clé, un chiffre d’affaire qui n’a sans doute jamais été totalement réalisé…
  • L’attitude vis-à-vis de la Turquie de Nicolas Sarkozy , qui a toujours été perçue comme hostile et cela sciemment, pour des motifs probablement électoralistes nationaux. Le résultat s’est encore vérifié la semaine dernière avec une visite officielle glaciale de seulement 4h à Ankara, la France étant totalement discréditée auprès de ce pays, qui, dans le contexte géostratégique du Moyen-Orient, est pourtant un pays clé pour l’Europe.
  • Dans le même registre, l’actuel Président de la République a réussi en très peu de temps à se faire détester de la population et des dirigeants palestiniens, chez qui, pourtant, Jacques Chirac était très populaire et donc écouté et influant (je l’ai moi-même vérifié à Ramallah et Naplouse, il y a un mois). En ayant une approche trop partisane et simpliste du conflit israélo-palestinien, la diplomatie française est là aussi devenue inaudible et donc inutile…
  • Enfin, et  à l’occasion de ces soulèvements populaires, la mise à jour des multiples copinages  et complaisances entre les dictateurs arabes tel que Ben Ali et certains de nos ministres et responsables politiques dont, manque de chance pour elle, Michèle Alliot Marie, la Ministre des affaires étrangères, a été l’exemple, ou encore l’évidence de complaisances (médias français très peu réactifs), toutes ces compromissions ont achevé de mettre hors d’état d’agir notre diplomatie dans cette région du monde.

La France est aujourd’hui réduite à un rôle de simple spectateur, ébahi face à des événements que son histoire révolutionnaire devrait pourtant lui permettre de comprendre mieux que personne.

Le retour au Quai d’Orsay d’Alain Juppé (fonction qu’il a brillamment occupée entre 93 et 95) est, dans ce contexte, porteur d’espoir : il incarne une diplomatie gaullienne et chiraquienne (sans doute la seule réussite de la présidence Chirac) qui a fait ses preuves au Moyen-Orient.

Cependant, comme toujours avec la gouvernance de Nicolas Sarkozy, le degré de liberté d’Alain Juppé vis-à-vis de l’Elysée sera une des clés de la réussite de son action. Le départ de Claude Guéant va, à ce titre, plutôt dans le bon sens…

En tout cas, quelles que soient nos opinions politiques, il faut souhaiter à notre nouveau ministre des affaires étrangères un complet succès,  car ce sont l’image et l’influence de notre pays qui sont en jeu ! Et le Moyen-Orient, en proie à de si nombreuses incertitudes a lui aussi beaucoup à gagner au retour, sur la scène internationale, d’une diplomatie française écoutée, modératrice et humaniste…bref une France à nouveau respectée et efficace !

 

Adrien Debever

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