De Thiers à Sarkozy…

thiers_sarkozyHier, Nicolas Sarkozy s’est exprimé devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles.

Depuis plus de 130 ans, c’est la première fois qu’un Président de la République, chef de l’exécutif, intervient ainsi devant le pouvoir législatif !

Une conséquence récurrente et malheureuse de notre époque, marquée par l’immédiateté et le « bougisme », est sans aucun doute l’amnésie et l’insouciance historique dont nous faisons preuve.

Ainsi, le 4 septembre 1870, la IIIe République naît. Sa première grande figure politique se nomme Adolphe Thiers. Un décret de 1871 lui permet d’être Président de la République, chef du Gouvernement et Député. Le bonheur du cumul complet !

Mais la France sort de 20 ans de bonapartisme, sorte de césarisme plus ou moins éclairé, conforté à coups de plébiscites personnels. La jeune Assemblée Nationale voit en Thiers un Président provisoire dont elle se méfie. Adolphe Thiers est, en effet, à l’époque, incontournable depuis qu’il a mis fin à la Commune et permis la signature du traité de Francfort avec la Prusse (cela permettant de conserver Belfort et de baisser les indemnités de guerre).

C’est donc avec le souvenir récent des dérives autocratiques que les élus du peuple décident de limiter l’influence du Président de la République (fut-il brillant) sur le pouvoir législatif en lui interdisant de communiquer directement avec le Parlement.

Volonté ainsi affirmée de marquer nettement la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), base essentielle à toute Démocratie.

C’est un dispositif qui peut paraître un peu rigide et archaïque au 21ème siècle, néanmoins tous les chefs d’Etat qui se sont succédés depuis ont respecté cette tradition républicaine. Même les Président de la Ve République, pourtant très puissants institutionnellement et souvent à forte personnalité, se sont inscrits dans cette pratique.

Les gaullistes, penseurs de la Ve République, trouvant là l’occasion pour le Premier Ministre de s’affirmer et de jouer un rôle prépondérant (en représentant l’exécutif devant le législatif).

De Thiers à Sarkozy… plus de 130 ans de construction de la République et de la Démocratie dans notre pays. Faite d’expériences, d’erreurs et de maturation.

Or depuis 2 ans, de tout cela…poubelle, nous avons un nouveau Président qui sape consciencieusement et méticuleusement  chaque fondement de cette République : l’exécutif (fin de la bipolarisation et recentrage à l’Elysée), le législatif (temps de parole limité pour les élus), la justice (fin des juges d’instruction), les médias (prise de contrôle directe du service public)…

Et maintenant un des plus vieux symbole du fonctionnement républicain français!

« Ensemble tout devient possible » disait-il pour se faire élire. En effet ou plutôt « par votre silence tout devient possible…ainsi un Président peut devenir Prince ». Le second Empire n’a-t-il pas commencé ainsi ?

Indépendamment de cet événement institutionnel qui n’est malheureusement qu’un épisode parmi d’autres, la vraie question est de savoir quand, peuple de France, nous allons enfin nous réveiller, sortir de notre gavage d’informations « peopleisantes » et anxiogènes pour défendre le socle de notre Société, de notre République, de notre Démocratie ?!

Adrien Debever
Wikio

2 réflexions au sujet de « De Thiers à Sarkozy… »

  1. Monsieur Debever, je sens qu’on va devenir ami, car je viens de vous découvrir en découvrant Agora vox et la lecture de vos articles me donne envie de vous répondre à chaque fois, donc je vais le faire, mais je doute que nous soyons souvent d’accord.
    Qu’on aime pas Sarkozy j’admets, qu’on veuille mettre à sa place un poulain à soi j’admets aussi, par contre on ne peut pas dire n’importe quoi.
    C’est sous le septennat de Chirac qu’a été décidé le mandat présidentiel à 5 ans plus une élection synchronisée avec celle du parlement. Donc à partir de là on passe sans le dire en régime présidentiel. Dans un régime présidentiel il est légitime que le président s’adresse au peuple à travers le congrés.
    Donc le socle de notre République n’est pas fragilisé du tout. Rappelez vous comment Mitterrand bavait sur la 5eme République et comment il s’est glissé dans l’habit comme s’il avait été taillé pour lui.
    Votre problème c’est surtout que ce pauvre B,Bayrou avec ou sans tracteur ne pourra jamais vérifier la taille de l’habit.
    « Tu ne sera jamais président, tu es trop minable » dixit Cohn Bendit.

  2. Cher Bilout1,

    Je suis très heureux de voir que je ne vous laisse pas indifférent…
    Alors sur le sujet du mode de gouvernance, je suis d’accord que la Vème République à toujours porté en elle des risques de dérapage vers une ultra présidence (et encore plus avec le mandat à 5 ans). D’où l’importance prise par ce que l’on peut appeler la jurisprudence de gouvernance: ces symboles que tous les Présidents de la Vème ont respectés en matière de séparation des pouvoirs.
    Les symboles et l’histoire c’est essentiel pour une nation (je sais que Sarko y est allergique car cela lui met des limites).
    Maintenant, si notre Président veut gouverner différemment, soit, qu’il l’assume et propose une VIème République à sa convenance (par référendum si possible…svp).
    Voilà, au plaisir, je vous laisse avec vos passions récurrentes pour les tracteurs et les grands poètes et philosophes de notre temps (Dany le rouge)…

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